Cette forge, préindustrielle, avait sans doute été construite sur une plus ancienne construction, datant de la création de " la chaussée ", barrage situé à environ 1Km en amont sur la rivière Orbieu. Un captage et un " béal ", petit canal en partie maçonné, amenait l'eau jusque dans des " basses ", grands réservoirs en entonnoir dont l'un est encore visible, qui une fois les vannes ouvertes entraînait par sa force les roues horizontales, sorte de pré turbines, à axe vertical donc, caractéristique des installations hydrauliques du sud de la France. Ces roues entraînaient par un jeu de courroies et d'engrenages divers outils comme les soufflets et le " martel ". Il faut s'imaginer la chaleur, les vapeurs, les gaz toxiques et la suie dont l'intérieur des murs garde encore toutes les traces, s'échapper par les tuiles du toit, et l'on comprend mieux l'existence de ces piliers majestueux ! Cette forge traitait les minerais extraits des mines de Félines Terménes, Cascastel et Quintillan. Ils étaient acheminés par caravanes de mulets et d'ânes à travers les collines et l'on trouve encore des morceaux de ces minerais sur ces anciens axes, pavés de galets usés par les sabots, à travers la garrigue. Pour faire fondre le minerai, la forge avait besoin de charbon de bois que les charbonniers préparaient dans des " fours " eux aussi encore visibles alentours. Une fois portée à incandescence, la gangue de minerai pâteuse était martelée par le " martel ", énorme marteau au bout d'un tronc d'arbre animé par une roue à crans, pour en extraire les scories.

Celles-ci, encore lourdes de fer mal fondu, constituent la butte qui protège le bâtiment des crues d'Orbieu et sur laquelle poussent nos chênes verts truffiers ! Mais bientôt ce qui représentait une activité économique certaine pour la région devait péricliter avec la création des hauts fourneaux, les lingots de fer et les outils aratoires façonnés sur place ne suffisaient plus à maintenir la forge en activité. Démantelée, elle fut transformée en moulin farinier, puis en fabrique de " peau de laine ", c'est à dire en tannerie, grâce à l'abondance de l'eau et aux nombreux troupeaux de brebis et chèvres traditionnellement élevées de tous temps dans les corbières. Cette activité ne devait pas durer, et " La Fargo " se transformait une dernière fois avant d'être abandonnée à elle-même en moulin à gypse pour la fabrication de plâtre. Les grosses meules en silex que nous avons découvertes sous les gravats sont visibles à coté de la terrasse du restaurant dans les vestiges de l'architecture hydraulique de l'époque. Le gypse était extrait d'une veine maintenant disparue, sur la commune à l'opposé du village, à proximité de la ruine du " " four à chaux ", vers la campagne de Parets. Le béal s'étant transformé en canal d'irrigation pour les parcelles de terre située entre lui et la rivière, c'est entourée de jardins et de vergers que nous avons acquis " La Fargo " en 1996 pour nous lancer, elle et nous, dans une nouvelle aventure !

Le restaurant est ouvert depuis juin 1998, l'hôtel depuis août 1999.